Aurore Bergé à l'Elysée, le 2 juillet 2025 ( AFP / Ludovic MARIN )
Le projet de loi-cadre sur les violences faites aux femmes est "prêt" et comporte 53 mesures visant à "mieux former, mieux détecter, mieux prévenir et mieux sanctionner", déclare à l'AFP la ministre déléguée chargée de l'Egalité femmes-hommes Aurore Bergé.
A la veille de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, elle dit souhaiter que ce texte, réclamé de longue date par les associations féministes et élargi aux violences faites aux enfants, puisse être inscrit à l'ordre du jour parlementaire "dès que cela sera possible".
Pourquoi une loi-cadre ?
"On a beaucoup légiféré par couches successives et on a besoin de donner un cadre global sur la lutte contre les violences sexuelles et les violences intrafamiliales.
Il s'agit aussi d'aller plus loin sur un certain nombre de sujets qui aujourd'hui n'ont pas encore ou peu été appréhendés par le droit, que ce soit le contrôle coercitif ou la question de l'imprescriptibilité civile des crimes sexuels sur mineur."
Quel est son objectif?
"La loi-cadre est le fruit d'un travail mené avec l'ensemble des groupes parlementaires. Elle contient 53 mesures législatives, au-delà des mesures réglementaires, et vise à mieux former, mieux détecter, mieux prévenir, mieux caractériser et mieux sanctionner".
"Il faut que les bourreaux aient peur parce qu'aujourd'hui, ils n'ont pas peur, parce que la prescription les protège, parce que l'angoisse du dépôt de plainte les protège, parce que l'angoisse de la confrontation les protège, parce que l'angoisse de la durée aussi du traitement judiciaire les protège. Il faut que ce soit eux qui aient peur, il faut qu'ils aient conscience que les victimes, à tout instant, pourront avoir accès à la justice."
Qu'est-ce qui est prévu pour les victimes?
"Le dépôt de plainte est le premier défi. On a beaucoup de témoignages de victimes qui ont réussi à porter plainte mais qui disent qu'elles sont sorties broyées par le traitement judiciaire qui leur a été réservé. Les magistrats eux-mêmes disent qu'il y a un changement majeur qui doit s'opérer sur l'accompagnement des victimes et sur le traitement judiciaire.
Toutes les victimes doivent pouvoir avoir accès à l'aide juridictionnelle de manière inconditionnelle dans le cadre de violences intrafamiliales ou de violences sexuelles, or ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Il faut leur garantir que leur avocat puisse être présent, si elles le souhaitent, lors des examens médicaux, pour garantir aussi la manière dont elles seront ou ne seront pas questionnées sur ce qu'elles ont eu à vivre.
On doit également leur permettre d'être enregistrées dès leur premier témoignage pour éviter qu'elles n'aient à se répéter tout au long du parcours judiciaire.
Il faut aussi que le classement sans suite soit systématiquement motivé, que les victimes comprennent pourquoi il n'y a pas eu de suite judiciaire, et qu'on leur ouvre un droit de recours potentiel."
Quelles sont les autres mesures prévues?
"Il y a la question du contrôle coercitif. Être victime de violences intrafamiliales, ce n'est pas forcément avoir des bleus, s'être fait étrangler, avoir subi un viol conjugal; c'est également être sous contrôle. Interdiction d'un compte bancaire, GPS traqué, puce sur votre téléphone, contrôle de vos fréquentations... toutes ces humiliations doivent être caractérisées en droit de manière bien plus systématique.
Sur la prostitution, il faut que les managers de plateformes type Onlyfans, soient qualifiés de proxénètes.
Sur les violences sexuelles infligées aux plus jeunes, il faut étendre à tous les professionnels au contact des enfants, et quel que soit leur statut - fonctionnaire, vacataire, stagiaire, contractuel, intérimaire - le contrôle de leur casier judiciaire."
Est-ce que ce texte va s'accompagner d'une hausse de budget?
"On a beaucoup de mesures aujourd'hui qui peuvent être déployées immédiatement sans moyens budgétaires supplémentaires et qui sont des mesures de protection.
Le raccourcissement du délai de traitement judiciaire est une forte demande des victimes et c'est totalement corrélé à la question des moyens de la justice. Ces moyens ont été mis, année après année, le budget du ministère de la Justice a augmenté, et une priorisation a été donnée sur la question des violences sexuelles et intrafamiliales.
Je ne dirai jamais non à plus de moyens. Ce que je dis juste, c'est que les moyens qui sont alloués ne se limitent pas aux moyens de mon ministère. Quant à l'aide aux associations, il n'y a pas eu un euro de baisse sur celles qui sont soutenues par le ministère."
Quatre féminicides en une journée la semaine dernière. Est-ce un échec de l'Etat?
"À partir du moment où il y a une femme qui meurt sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon, c'est d'abord la responsabilité de l'auteur, bien sûr, mais c'est aussi un échec collectif.
La révolution culturelle n'est pas parachevée. Aujourd'hui, contrairement à l'Espagne, on n'a pas encore eu cette dynamique qui fait que toute la société se dit +c'est aussi ma part de responsabilité en tant qu'entreprise, en tant que collègue, en tant qu'ami, en tant que voisin+. Ça progresse, les signalements progressent, mais on a encore cette marche à franchir."

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